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21 juin 2017 3 21 /06 /juin /2017 13:53

Préambule : je lis rarement les comptes-rendus, je n’en écris quasiment jamais. Chacun ses souvenirs, comment partager des images ou des perceptions ? Pour moi la course à pied est une vie intérieure, une conversation, une musique avec le corps. Un mystère.

 

Les 24 heures de Brive étaient mon objectif de printemps. En fait, il y avait trois courses à mes yeux aussi captivantes sur la même période avec deux non-stop sur route : la « Nove Colli » de 202 km en Romagne italienne et l’« Ultrathlétic Ardèche » de 205 km. De superbes voyages. Mais, j’avais fait l’Italie l’année dernière et l’Ardèche en 2013, alors que ma dernière participation à Brive datait de 2008, à l’occasion de championnats de France. Voilà bientôt dix ans. Donc option : « Brive, le retour ». Et puis, l’intérêt de Brive était son parcours plat contrairement aux deux autres. Il faut dire que j’avais un petit souci cette année : une mauvaise entorse début septembre en descendant d’une échelle et pratiquement trois mois d’arrêt. J’aime bien la boucle de Brive, d’environ un kilomètre tracée dans le parc du centre ville. Relativement sinueuse, mais pas trop, avec des allées de terre battue et quelques passages sur bitume, le tout assez bien arboré et… plat.

Donc, à la reprise fin novembre, je programme Brive pour fin mai : six mois devant moi pour un bon « progressif » que je jalonne de rendez-vous tests : 10 km (Cazals), semi (Lyon) et 100 km (Belvès) le dernier mois. J’y ajoute quelques petites courses : départementaux de cross, trails de Saint-Vincent, Flottes et Calamane. Côté entraînement, je commence uniquement sur route à plat, puis, progressivement, dénivelés et nature, de deux à trois sorties par semaine pour finir par six séances et une centaine de kilomètres hebdomadaires. Sorties courtes au-dessus de 12 km/h, sorties longues 10 km/h. Beaucoup de cardio avec raidillons et côtes, et d’exercices de type PPG (abdo, dorsaux/pectoraux et bras/épaules).

Je parle de la préparation, parce que pour moi, c’est un vrai plaisir dont la course elle-même n’est que la conclusion. Une conclusion qui passe finalement très vite. Pendant six mois, elle rythme mon quotidien, j’y réfléchis, je peaufine. C’est un tout. Je dis souvent que c’est un peu comme le navigateur qui prépare son bateau, qui réfléchit, qui analyse les expériences, qui échange… Par exemple, depuis deux ans, je travaille mes appuis, j’ai modifié ma foulée, sa biodynamique, son amplitude. C’est passionnant, je partage cette exploration avec mon fils qui est kiné du sport en région parisienne. J’ai ainsi exploré la décontraction et la respiration en faisant différents yogas, le sommeil et la fatigue avec la sophro, la nutrition, la protection des pieds, la gestion de la chaleur ou encore de la douleur. Il y a tant de détails qui un jour ou l’autre s’invitent. Notre condition physique révèle des aptitudes incroyables si on la respecte. Il me semble que la performance, même si elle est réjouissante, n’est pour moi qu’une conséquence et pas un objectif. Au fur et à mesure de la préparation, je me mets en tension, je me projette dans le 24 h, je le visualise comme le skieur mime les portes du slalom.

Le départ du 24 h est une entrée en scène. Nous sommes des acteurs, aucun ne peut affirmer écraser les autres, tous fragiles. Tous avec tellement d’incertitudes.

Brive a été pour moi un vrai enrichissement plein de surprises et de confirmations. La gestion de la chaleur, le niveau de la foulée, l’hydratation, la confrontation pendant la nuit à des troubles digestifs qui a confirmé la puissance de la sophro. Ce sont des points très positifs. Je suis entré dans ma bulle, entré dans ma course, concentré sur mes perceptions, sur ma gestion. Sans tenir compte du rythme des autres. Très surpris de progressivement remonter au classement. Faire avec la chaleur, rester concentré… Dans cette galerie d’événements qui surgissent sur le parcours, il y a aussi de beaux visages, des échanges entre coureurs, bien sûr, en particulier avec Fabrice Puaud qui s’imposera tranquillement, loin de ses meilleurs scores. Mais aussi le visage de Gigi venue me saluer, souriant et si amical, et de Laurent et Valérie qui m’ont donné une énergie inattendue, sans doute parce que dans mon esprit, ils ont aussi vécu Brive. Sans compter celui de Suzanne, impliquée dans l’organisation du poste de ravitaillement de la course, qui m’apportait le soutien particulier de quelqu’un qui a elle aussi sa propre perception, son propre vécu de la longue distance.

Je ne sais pas si ce que je raconte a du sens, je l’espère. Je pense que chaque coureur, quelles que soient ses affinités, révèle sa propre approche de la course à pied. J’aime le « non-stop » parce qu’à mes yeux, dans un stade comme dans le désert ou sur la route, c’est une traversée, un « espace temps », une navigation terrestre avec ses péripéties et ses découvertes. On traverse la nuit avec notre petite musique intérieure, notre volonté - notre conviction même -, à l’écoute de notre corps, de notre bateau. En en connaissant certaines faiblesses et certains atouts. Le voyage est d’autant plus réussi qu’une fois achevé, il permet de reprendre la course si vite, incroyablement vite. Parce qu’un 24 h n’est pas un objectif, juste une belle étape pour un voyage dans notre propre condition, dans la vie. Chacun la sienne, bien sûr, ce qui compte c’est d’y prendre le plaisir de notre passion.

 

 

 

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